Brève 2 : Université de Lorraine : une polémique de chiffres révélatrice du miroir aux alouettes de l’évaluation quantitative de l’enseignement supérieur et de la recherche

La Métropole de Metz a élaboré et publié récemment un rapport intitulé « Situation de l’université de Lorraine sur le territoire métropolitain » comportant un chapitre consacré aux efforts de l’université de Lorraine en matière d’attractivité étudiante sur le territoire messin.  Plusieurs médias nationaux (AEF, News tank) ainsi que la publication locale l@ Semaine se sont fait l’écho de tensions avec l’université de Lorraine, son président Pierre Mutzenhardt ayant dénoncé une « conclusion orientée » concernant l’évolution des effectifs étudiants du campus messin.

Sans entrer dans le détail de l’analyse de ces données et des échanges qui ont été évoqués entre le président de l’Université de Lorraine et la métropole de Metz, ce sujet est pour moi l’exemple type des difficultés que présentent les analyses quantitatives dans le domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche. En bref, ce qu’il ne faut pas faire : des comparaisons sur des données non compatibles issues de différentes sources, une absence de contextualisation et des conclusions hâtives à partir de quelques chiffres sans prise en compte des différentes dimensions du sujet traité.

A l’ère des classements et de la compétition accrue entre les établissements, la mesure de la performance à partir de quelques données quantitatives est souvent mise en avant. Il est en effet beaucoup plus simple de réduire l’évaluation à quelques indicateurs normalisés appliqués à tous les établissements plutôt que d’exploiter des rapports portant des analyses plus qualitatives prenant en compte les spécificités et la trajectoire de chaque établissement.

Où se situe la performance en matière d’enseignement supérieur ? Peut-on la réduire à l’évolution des effectifs étudiants ? Qu’est ce qui est important pour un territoire : les flux d’entrée dans l’enseignement supérieur, les taux de réussite, les taux d’insertion, la qualité des outils d’information et d’orientation, la qualité de l’insertion, les modalités de formation, la qualité de l’accueil et de l’accompagnement des étudiants ou encore le volume de création d’entreprises en lien avec l’université ? Evidemment la réponse est dans la question, la performance est composite et ne peut se réduire à quelques chiffres. Combien de présidents se sont réjouis de l’augmentation de leurs effectifs étudiants « fruit d’une performance accrue en matière d’attractivité » alors qu’elle pouvait résulter simplement d’une relation mécanique et classique avec l’augmentation du taux de chômage des jeunes préférant une poursuite d’études plutôt qu’une inscription à Pôle Emploi ? Peut-on comparer l’attractivité d’une université de grande métropole moteur régional et entourée de grandes entreprises pourvoyeuses d’emplois de cadres supérieurs et une université de ville moyenne caractérisée par un territoire de PME et des problématiques de reconversion économique ?

Attention aux analyses uniformes issues de données isolées et non contextualisées, provenant de plusieurs sources basées sur des périmètres différents. L’évaluation quantitative de l’ESR apparait beaucoup plus facile à opérer et souvent plus tranchante, dans ses conclusions, que l’évaluation qualitative mais c’est malheureusement très fréquemment un miroir aux alouettes.  L’action des établissements d’enseignement supérieur est d’une grande complexité et la mesure de ses résultats très délicate à opérer. Il y a des progrès incontestables à réaliser au niveau des systèmes d’information des universités ; l’approche quantitative ne peut pas être négligée mais elle doit se situer dans une démarche d’assurance qualité maitrisée, adaptée à chaque établissement et partagée par les différents acteurs de l’évaluation. J’aurai l’occasion de revenir sur ces sujets…

Une réponse à “Brève 2 : Université de Lorraine : une polémique de chiffres révélatrice du miroir aux alouettes de l’évaluation quantitative de l’enseignement supérieur et de la recherche”

  1. Ton analyse, cher Robert, est toujours aussi pertinente (et incisive) quant à l’utilisation des indicateurs sans précaution…
    Néanmoins, cette polémique lorraine est à intégrer dans le contexte local… suite aux élections municipales de 2020 (changement de majorité) et dans la perspective de l’élection du Président de l’UL en 2022… Pierre Mutzenhardt ne pouvant plus se représenter.
    De plus, certains collègues messins ont toujours souffert d’un complexe d’infériorité – ex université de Metz plus jeune – certains d’entre eux sont arc-boutés sur le nb d’écoles d’ingénieurs sur le site messin (une seule au sein de l’UL et des « antennes » de CentraleSupelec, ENSAM, GeorgiaTech et une privée ESITC).
    En ce qui concerne la recherche, je dirais simplement que les collègues messins qui étaient dans des labos « locaux » ont bénéficié d’un rattachement à des structures reconnues internationalement; je ne citerai que le LORIA (Info) et l’IECN (Maths).
    Les « exigence »s des politiques mosellans (Métropole et département) de s’immiscer dans la gouvernance de l’UL ont été jusqu’à demander la création d’un VP « site de Metz ».
    Enfin, les oppositions 3 évêchés Duché de Lorraine, Catholique Protestant, Buveur de Bière Buveur de vin, … et autres sont toujours en « creux » illustrées par https://www.filmsdocumentaires.com/films/4564-nancy-metz-je-t-aime-moi-non-plus
    Mais je ne suis surement pas objectif dans mon analyse car ayant été trop impliqué dans la construction de l’Université de Lorraine.
    Amitiés
    Michel

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