Aix Marseille Université a récemment célébré les dix ans de son Idex A*Midex. A cette occasion, Jean Marc RAPP, président du jury international Idex et membre du conseil stratégique international de l’Idex A*Midex, a exprimé quelques pistes particulièrement intéressantes sur les pratiques de l’assurance qualité dans notre ESR. Je reprends dans cette brève les propos de J-M. RAPP rapportés dans une dépêche du média News Thank, publiée par France Universités.
« On observe que la France n’a pas encore franchi un pas décisif, que d’autres ont franchi, en confiant aux universités la responsabilité pleine de construire et bâtir elles-mêmes de façon largement autonome leur propre système de contrôle et d’amélioration de la qualité de leurs prestations.
Au Royaume-Uni, en Irlande, en Norvège ou en Suisse, ce sont les universités elles-mêmes qui accréditent pratiquement tous leurs programmes, exception faites des professions réglementées notamment en santé. De son côté, l’Etat contrôle « seulement » le sérieux et l’efficacité du système mis en place par chaque université, ceci dans un cadre national limité au respect de certains principes communs essentiels. »
« La construction par les universités elles-mêmes de leur système maison avec la participation active de tous est un facteur très puissant d’identification aux valeurs de l’institution, un moteur d’amélioration continue, avec à la fin, la création d’une véritable culture partagée de la qualité. »
« Ce qui manque ici est que l’Etat tire les conséquences de ce type d’initiative en modifiant en profondeur son système et, plus encore, sa philosophie. »
J’adhère pleinement à ces propos et notamment à la conclusion concernant un changement nécessaire de philosophie de l’évaluation, et plus largement, à l’invitation à faire de la culture de la qualité le moteur du développement des établissements.
Comme j’ai eu l’occasion de l’évoquer dans les différents articles de ce blog, il conviendrait de mettre en place un nouveau mandat de l’évaluation qui marque une rupture des approches actuelles de l’évaluation dans notre ESR, à savoir :
- Sortir d’une approche centrée sur un contrôle de conformité à un modèle normatif prédéfini « d’en haut » et d’une focalisation sur la mesure de la performance au niveau des produits des activités.
- Aller vers une véritable prise en compte de l’autonomie des établissements et les placer en responsabilité de démontrer eux-mêmes l’efficacité de leur action stratégique et de qualifier la performance de leurs systèmes de gouvernance et de pilotage s’appuyant sur une politique de la qualité et des outils associés.
Les expériences mises en avant par J-M. RAPP de quelques Etats qui focalisent leurs évaluations sur l’analyse de l’efficacité du système de management de la qualité, vecteur majeur de la performance globale de l’établissement, ne sont sans doute pas applicables brutalement dans notre ESR car nous avons incontestablement un retard global en matière de culture de la qualité et une grande hétérogénéité des avancées des établissements dans ce domaine.
Dans l’article 14 consacré aux évolutions proposées par le Hcéres pour la vague C (2022-2023), je constatais des régressions inquiétantes alors que des évolutions avaient été proposées dans les vagues précédentes pour une évaluation des établissements s’engageant progressivement vers la philosophie recommandée par J-M. RAPP. Comme je le soulignais dans la brève précédente adressée à la nouvelle ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, ces recommandations de J-M. RAPP confirment qu’il y a urgence à un véritable changement de culture de l’assurance qualité et de l’évaluation.
On peut en effet rêver mais je ne crois pas que les universités (et guère mieux les grande écoles type ENS pourtant plus « agiles ») soient prêtes à passer à une plus grande liberté face à l’évaluation : « on » râle mais au fond on est bien content de ne pas avoir à s’engager, en enrôlant toute la communauté, dans une voie qui ouvrirait la porte à bien des incertitudes sur la qualité de la gouvernance….