Brève 5 : Quelques réflexions suite aux propositions de Bernard Belloc sur l’évolution de nos universités

Dans un article récent du media Newstank, Bernard Belloc fait quelques propositions en réaction au dernier rapport de l’institut Montaigne concernant l’enseignement supérieur et la recherche (ESR). Il fait le constat, que je partage, de l’incapacité de notre système à se réformer pour améliorer ses performances dans la compétition scientifique internationale et de l’urgence qu’il y a à changer de méthode. Concernant la gouvernance et l’organisation de nos universités, il propose deux innovations. D’une part, il souhaite la création d’un conseil ou sénat académique en charge de l’élaboration de la stratégie scientifique à côté d’un conseil d’administration très largement ouvert aux partenaires extérieurs pour sortir la gouvernance des universités des conflits d’intérêt permanents, source d’immobilisme des stratégies institutionnelles. D’autre part, en termes d’organisation, il met en avant le sujet de la décentralisation des établissements et propose une large autonomie des composantes afin de lutter contre les lourdeurs administratives et d’améliorer la réactivité des établissements.

Pourquoi pas, il faut de toutes façons trouver des solutions pour faire évoluer la gouvernance et l’organisation de nos universités. On peut toutefois noter que la participation des personnalités externes dans les conseils est souvent décevante, tant il est difficile de trouver des acteurs ayant la disponibilité et la capacité à appréhender les complexités de nos métiers et activités. Par ailleurs, il faudra bien que les conseils académiques envisagés puissent être autre chose qu’un dialogue stérile entre les disciplines.  Quant à la décentralisation des structures, il est clair qu’elle peut libérer des espaces de créativité et de dynamisme mais, sous l’effet des corporatismes, c’est aussi souvent le terreau de l’immobilisme.

 L’observation de nos universités au travers de l’évaluation montre clairement qu’il y a un double déficit qui pénalise lourdement leurs performances. Un déficit d’élaboration et de mise en œuvre de stratégies de développement et un déficit de dynamique collective, ingrédient fondamental de la réussite. Ces deux difficultés sont intimement liées. Sous l’effet des corporatismes que dénonce à juste titre B. Belloc, les gouvernances sont condamnées le plus souvent à gérer des équilibres fragiles avec, en plus, le renouvellement possible des mandats des présidents qui ne favorise pas vraiment l’audace des équipes de direction.

Je suis d’accord avec Bernard Belloc sur l’idée qu’il y a urgence et qu’on ne peut pas tourner en rond avec des transformations permanentes de notre ESR qui conduisent en fait à une forme d’immobilisme. Mais on ne sortira pas de cette situation sans amener nos collègues enseignants chercheurs à changer justement leurs pratiques de corporatisme, souvent alimentées par un manque de confiance et, tout simplement, d’adhésion à leur établissement et à son projet (qu’ils ignorent pour la plupart d’entre eux, leur horizon ne dépassant guère celui de leur laboratoire/département ou UFR).

Quant à la démocratie universitaire soupçonnée d’être l’arbre qui cache la forêt de l’immobilisme, il faut effectivement pouvoir lui redonner de nouveaux ressorts mais ce ne sont certainement pas des formes de management autoritaire qui peuvent apporter des solutions. Ma propre université en a fait l’expérience lors de la dernière décennie et on ne peut pas dire que ce soit une réussite. Les spécificités du métier d’enseignant chercheur et la nature des activités de nos établissements nécessitent de trouver des méthodes de management adaptées. Même si je suis d’accord avec l’idée que ces méthodes de gouvernance doivent être plus proactives et plus exigeantes, je reste convaincu que la gouvernance ne peut pas, en quelque sorte, se détacher ou se déconnecter des forces vives des établissements et qu’il est indispensable de trouver des leviers pour faire « de la base » des acteurs de tous les rouages des activités de l’établissement.  

Pour recréer de la confiance et de l’adhésion, conditions majeures des dynamiques collectives et de la capacité à conduire le changement, la gouvernance et le pilotage de nos établissements doivent s’appuyer sur des valeurs et des objectifs identifiés et partagés, sur des outils de décision et de mise en œuvre explicités et rigoureux, sur une pratique constante de la reddition de comptes : la confiance ne s’établit que dans la transparence.

Ces éléments constituent les fondamentaux des politiques de la qualité et plus globalement de l’assurance qualité. Pour peu qu’on en fasse justement un véritable outil de la gouvernance et qu’on ne les réduise pas, comme on le perçoit trop souvent dans les équipes de direction, à des techniques de gestion, les politiques de la qualité peuvent contribuer à changer d’état d’esprit et à créer de la confiance et de la mobilisation ; c’est même leur vocation première.

C’est un investissement de long terme, mais il est incontournable.  Cela ne nécessite pas de nouvelle loi, pas de gros moyens financiers. J’appelle de mes vœux le jour où notre ministère, nos présidents d’universités et nos directeurs d’écoles comprendront que l’assurance qualité n’est pas un gadget, mais constitue un vrai outil de gouvernance au service d’un management moderne. La CPU que B. Belloc a présidé et la Cdefi pour les écoles, ne sont pas suffisamment présentes sur ce terrain. Il y a là un chantier de développement majeur à engager, passant par des actions de sensibilisation et surtout de formation, sans quoi nous continuerons à faire des rapports et à réformer sans véritable impact…

 

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