Brève 4 : Les annonces récentes du président du Hcéres : beaucoup de communication mais un manque flagrant de cohérence et de rigueur

Les médias se sont fait l’écho de l’audition de Thierry Coulhon président du Hcéres auprès de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). Le président du Hcéres a présenté les changements envisagés dans le cadre de la prochaine vague d’évaluation (vague C 2022-2023).

Ces annonces restent encore très vagues et semblent confirmer que le Hcéres n’est toujours pas prêt à définir sa philosophie de l’évaluation par un texte fondateur qui explicite clairement le mandat de l’évaluation. On a pour l’instant un patchwork de critiques des pratiques antérieures, quelques annonces dont il est difficile de percevoir le caractère stratégique et novateur, et le sentiment que les futurs référentiels devront réaliser un grand écart entre simplification et… adjonction de questions supplémentaires à investiguer !

Faut-il être rassuré par le fait que le président du Hcéres dise « lutter lui-même » pour modifier les rapports afin qu’ils aient plus d’impact, alors qu’il déclare un peu plus loin que la caractéristique de l’évaluation du Hcéres est d’être réalisée par des comités d’experts qui « procèdent d’une manière totalement indépendante» ?  Revient-il vraiment au président du Hcéres de « modifier » les rapports produits par des évaluateurs indépendants ?  Avec de telles pratiques, il lui sera effectivement aisé de mettre rapidement un terme au phénomène « d’euphémisation » qu’il dénonce, mais il n’est pas certain que cela conduise à une évaluation comprise et acceptée par les acteurs, sans parler du fait que de telles pratiques soient guère compatibles avec les ESG qu’une agence inscrite à l’EQAR est censée respecter.  Heureusement, il annonce par ailleurs vouloir renforcer l’Office français de l’intégrité scientifique (OFIS), et lui donner un rôle plus fort au sein du Hcéres.  On peut au passage regretter qu’il ne l’ait pas mieux impliqué dans les processus de recrutement opérés depuis son arrivée au Hcéres, notamment au niveau des directeurs de départements (cf brève 1 et brève 3)….

Le président du Hcéres souhaite également « bâtir une évaluation véritablement intégrée ». C’est un objectif intéressant que les directions précédentes n’ont pas su réaliser. Il faudra toutefois que les choses soient claires quant à la place de l’évaluation institutionnelle, et les premiers choix et déclarations de Thierry Coulhon ne sont pas rassurants dans ce domaine (cf article 3 et article 4 ). Les évaluations de la recherche et des formations devront être articulées à l’évaluation institutionnelle et non pas l’inverse, ce qui n’aurait aucun sens pour des établissements autonomes et responsables.

Dans le cadre des futurs référentiels, le président du Hcéres évoque des « questions qui prennent plus d’importance qu’avant : science ouverte, développement durable, responsabilité sociétale des universités et organismes, intégrité scientifique, etc…». Sans contester l’intérêt de ces questions, je doute que le renforcement de leur prise en compte (car elles sont déjà abordées dans les référentiels) permette aux futures évaluations de faire progresser les établissements dans la compétition internationale… Si le président du Hcéres souhaite simplifier l’évaluation, il aurait avantage à focaliser celle-ci autour de deux questions fondamentales s’adressant à des établissements autonomes : quelle est votre stratégie ? et quelle démonstration faites-vous de sa mise en œuvre et de son efficacité? Dans le cadre de la vague B, le département d’évaluation des coordinations territoriales avait largement avancé dans cette direction avec une réelle simplification du référentiel, focalisant l’évaluation sur les rouages essentiels de la conduite des établissements pour les amener à une gouvernance plus stratégique.  Nous verrons dans quelque temps ce qu’il en restera.

On peut enfin noter des propos pas très rassurants de la part du président du Hcéres au sujet des données nécessaires et/ou produites dans le cadre de l’évaluation. Il donne le sentiment d’une réelle contradiction entre la volonté de moins solliciter les établissements pour la fourniture de données et l’objectif de vouloir caractériser dans le détail les établissements, et même de pouvoir fournir au ministère les données dont ce dernier ne dispose pas. On voit ainsi réapparaître l’aberration d’une agence d’évaluation souhaitant réaliser un système d’information national de l’ESR pour répondre aux carences d’un ministère incapable depuis des décennies de répondre à ce besoin.

Serions-nous en train de revenir à une vision centralisatrice de l’ESR ambitionnant de faire de l’agence d’évaluation une annexe technique du ministère avec une évaluation dictant aux établissements leurs axes de développement prioritaires et focalisée sur un travail d’apothicaire visant une caractérisation normalisée ?

 J’espère que le collège du Hcéres, auquel ces nouvelles orientations vont être proposées, se montrera plus stratège que son président dont les nombreux effets de manche au niveau communication donnent plutôt le sentiment d’un manque de méthode et de rigueur pour assurer une évolution cohérente et novatrice des évaluations du Hcéres.

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