Article 2: Commission « université et territoires » de la CPU : Une initiative intéressante ou l’arbre qui cache la forêt ?

La création récente par la Conférence des présidents d’université (CPU) de la commission « université et territoires » qui fait suite à la commission « regroupements et politique de site », apparaît comme une initiative intéressante notamment dans l’idée du renforcement des liens avec les collectivités territoriales et les commissions d’élus. L’objectif annoncé de développer les études d’impact territorial des universités, sujet complexe et encore mal exploré, peut contribuer à la valorisation des multiples facettes de l’action des universités. La volonté de décliner les politiques internationales et européennes constitue un sujet de premier plan pour une meilleure lisibilité des différents espaces régionaux.

La CPU intègre ainsi dans son action la diversité des dispositifs et structures de partenariat des universités et écoles dans les territoires, ouverte par l’ordonnance de décembre 2018.

Je me demande tout de même si cette initiative n’est pas révélatrice d’une forme d’affaiblissement de l’ambition portée ces dernières années, au niveau des politiques de coordination et de coopération, visant à améliorer la cohérence et la cohésion de l’action des multiples entités d’enseignement supérieur et de recherche dans les différents espaces régionaux. 

Je suis bien conscient que les schémas trop uniformes et contraignants des PRES puis des Comue n’ont pas permis de donner leur pleine mesure à des politiques de site diversifiées mais je suis un peu inquiet de constater un affaiblissement des coopérations dans certains espaces régionaux. Il y a eu en effet des transformations significatives principalement dans les grandes métropoles avec les fusions d’universités et les rapprochements avec certaines écoles d’ingénieurs. Nous avons ainsi des universités de grande taille à large spectre plus visibles à l’international et plus à même de porter des stratégies fortes mais dans le même temps l’analyse des évolutions des politiques de site dans les espaces régionaux fait apparaitre des mécanismes de repli de ces métropoles par rapport aux villes moyennes universitaires présentes sur le même territoire. Il ne faudrait pas que les ambitions et parfois l’égo des universités des grandes métropoles conduisent à distendre les liens et fragiliser les partenariats avec les universités et écoles des villes moyennes pourtant également acteurs majeurs des territoires.

Je regrette ainsi que les objectifs de la nouvelle commission de la CPU ne fassent pas plus nettement apparaitre les enjeux des coopérations universités écoles dans les espaces régionaux et ne maintiennent pas l’ambition du renforcement des politiques de site et des regroupements dans le cadre des différents dispositifs autorisés par l’ordonnance de 2018. Certains diront que c’est sans doute implicite mais la CPU aurait pu donner un message plus clair de l’intérêt qu’elle porte à un développement harmonieux combinant les grandes métropoles et les villes moyennes universitaires.

Ces objectifs sont pourtant toujours affichés par l’Etat dans le cadre de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) notamment au travers des contrats quinquennaux de site conclus avec les regroupements (article L718-5 code de l’éducation). Il reste toutefois à vérifier l’intensité des attentes de l’Etat et des moyens attribués dans ce cadre, notamment pour les regroupements qui concernent les sites impliquant des universités des villes moyennes organisés sous forme de communautés d’universités et d’établissements (Comue) ou « d’associations d’établissements ». Les discours et déclarations de la ministre ne sont pas vraiment rassurants à ce niveau. Il ne faudrait pas que nous assistions à une hyper concentration des moyens dans les grandes métropoles conduisant à un système à deux vitesses….

Ces sujets peuvent paraître éloignés des préoccupations du blog EsrAq centré sur l’évaluation et l’assurance qualité. Question de point d’observation, ces problématiques de regroupements et de politiques de site sont directement reliées au sujet de l’efficience globale de notre système d’enseignement supérieur et de recherche. Les politiques de site sont déterminantes pour les universités de taille moyenne qui ont des choix de spécialisation ou d’intégration à opérer aussi bien en recherche qu’en formation. La bonne articulation avec les grandes métropoles est un enjeu global de cohérence, d’efficacité et de lisibilité pour les régions et l’ensemble du territoire. C’est aussi un enjeu de stratégie et de gouvernance pour chaque établissement qui constitue un élément clé de leur dynamique de développement et de leur politique d’assurance qualité.

Plus globalement, il y a bien évidemment un enjeu à garantir une qualité homogène de l’enseignement supérieur et de la recherche sur l’ensemble du territoire. Notre système ESR a besoin de mobiliser toutes ses forces et les politiques de site ne peuvent pas se réduire à fabriquer quelques champions si prestigieux soient-ils.  La nouvelle commission « université et territoires » devra être attentive à ces sujets qui ne sont pas neutres pour l’unité de la CPU et la visibilité de son action. Espérons que la reformulation certes intéressante des missions de cette commission ne soit pas l’arbre qui cache la forêt….  

Face à ces évolutions et enjeux, les processus d’évaluation auront bien évidemment un rôle à jouer pour analyser l’ampleur des coopérations entre les établissements et contribuer à leurs démarches de progrès.

Que va faire le Hcéres dans ce domaine ???? (A suivre dans un prochain article…)

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