Article 16 : L’autoévaluation : un contexte et des objectifs à expliciter pour en faire un acte utile à la gouvernance et efficace

L’autoévaluation apparait souvent comme un processus banalisé en amont de l’évaluation externe mais c’est en fait un exercice complexe et à multiples facettes.  Pour ne pas percevoir l’autoévaluation uniquement comme une contrainte imposée par le Hcéres en particulier, il est nécessaire de bien situer le contexte dans lequel elle s’inscrit et les objectifs auxquels elle devrait répondre. Je vais m’attacher dans cet article à préciser les enjeux politiques de l’autoévaluation ; un deuxième article sera consacré à des éléments plus techniques liés à sa mise en oeuvre. Même si la formulation de cet article apparait ciblée sur le processus d’autoévaluation institutionnelle, elle peut aisément se transposer à l’autoévaluation des formations et des unités de recherche, les mêmes concepts pouvant s’appliquer à des échelles différentes quelle que soit l’entité évaluée.

Une étape effectivement incontournable en amont de l’évaluation externe

Les standards européens (ESG) définissent l’autoévaluation comme une étape préalable à toute évaluation externe par les pairs. Il est demandé à ce processus d’autoévaluation, mis en œuvre par l’entité évaluée, de répondre « aux modalités du système d’assurance qualité externe » (notamment au référentiel associé à l’évaluation externe) pour apporter au comité d’évaluation le socle d’informations et de preuves qui sera ensuite complété par les informations issues des investigations réalisées lors de la visite sur site (référence 2.3 des ESG). L’autoévaluation peut ainsi apparaitre comme un exercice imposé, contraint par le libellé, plus ou moins complexe, du référentiel et uniquement conçu pour fournir un document de référence au comité en charge de l’évaluation externe. Cette lecture conduit souvent l’entité évaluée à proposer un rapport d’autoévaluation mettant essentiellement en exergue les réussites dans l’espoir d’une évaluation positive.

Mais avec une nécessaire mise en perspective dans le cadre d’une politique globale de la qualité

Une lecture plus approfondie et plus globale des ESG montre toutefois que l’autoévaluation s’inscrit dans le cadre beaucoup large de la politique de la qualité de l’entité évaluée qui est la première exigence énoncée par les ESG (référence 1.1). En effet, il est attendu que l’entité évaluée mette en œuvre une « culture de la qualité » intégrant toutes les dimensions de l’entité et tous ses acteurs et qu’elle soit en capacité de « rendre des comptes » sur les résultats de cette politique de la qualité.  Cette dimension est souvent mal comprise, ce qui conduit à considérer que l’évaluation externe entraine l’autoévaluation et le développement de démarches qualité. Dans l’esprit des ESG, c’est en fait la lecture inverse qu’il convient de faire, en considérant qu’une politique de la qualité est nécessaire au développement des entités évaluées, que cette politique nécessite des bilans réguliers en associant une autoévaluation (analyse critique réalisée par les acteurs de l’entité) et une évaluation externe opérée par des pairs externes à l’entité. L’autoévaluation et l’évaluation externe sont ainsi des outils de la politique qualité permettant de « rendre compte » à intervalles réguliers des progrès et difficultés de l’entité évaluée.

Une distinction à opérer entre autoévaluation et amélioration continue

Une politique de la qualité intègre classiquement des démarches d’amélioration continue qui ciblent certaines activités dans le but d’en améliorer le fonctionnement. Il s’agit de dispositifs qui s’inscrivent dans la durée et qui sont intégrés aux activités de l’entité. Une confusion est parfois opérée entre ces outils de la qualité et l’autoévaluation qui a un caractère ponctuel et qui constitue une analyse critique de l’évolution de l’entité durant une période définie, en lien avec un référentiel identifié. Évidemment, les résultats de l’autoévaluation contribuent globalement à une forme d’amélioration de l’entité, mais il s’agit d’un exercice ponctuel qui nécessite de prendre du recul pour porter un regard critique sur les activités de l’entité. Cet exercice mobilise des outils spécifiques et conduit à la rédaction d’un rapport. Formulé autrement, l’amélioration continue n’est pas une « autoévaluation permanente ».

Un processus intégré à la politique de la qualité et utile à l’entité évaluée 

Une politique de la qualité, comme tout processus de progrès, a besoin d’étapes d’analyse et de bilan pour identifier les résultats obtenus et les difficultés rencontrées. Il est logique qu’un premier niveau d’analyse soit réalisé par les acteurs de l’entité qui sont au cœur des activités et qui peuvent, par ce regard distancié demandé par l’exercice d’autoévaluation, mettre en évidence des problématiques non identifiées dans le quotidien des activités. Mais il est également utile de confier ces analyses à des acteurs externes pour un recul plus important et l’intégration d’autres expériences dans le processus d’analyse. Exprimé de cette manière, l’autoévaluation puis l’évaluation externe ne constituent plus des exercices subis par l’entité mais au contraire utiles à son développement.

Au-delà de ces dimensions, l’autoévaluation peut être utile pour cibler des domaines particuliers pour lesquels des difficultés ont été identifiées ou pour lesquels des perspectives d’évolution sont envisagées.  C’est aussi l’occasion d’analyser le suivi des recommandations de l’évaluation précédente, trop souvent oubliée du fait du renouvellement des équipes de direction qui ont tendance à faire table rase du passé. L’autoévaluation peut ainsi être plus ou moins approfondie en fonction d’intentions formulées en amont par les acteurs de l’entité. Cette démarche trouve pleinement sa logique quand l’agence d’évaluation, comme c’est le cas du Hcéres, propose à l’entité évaluée d’expliciter des attentes particulières à prendre en compte par le comité lors de l’évaluation externe. Ce type de démarche suppose donc que, très en amont, dans une démarche proactive, l’entité évaluée réfléchisse aux orientations et aux retours qu’elle attend de l’évaluation en lien avec les orientations de sa politique qualité, condition majeure d’une autoévaluation utile et productive pour l’entité.

Conclusion :

Ces différents éléments montrent que l’autoévaluation peut se concevoir autrement qu’une charge externe chronophage imposée tous les 5 ans, comme un rendez-vous utile et attendu, pour peu qu’elle soit pleinement intégrée à une politique de la qualité. Cet exercice, pour qu’il soit efficace, nécessite toutefois que l’analyse critique qu’il sous-tend soit sincère et ne se réduise pas à un simple bilan de promotion des réussites qui « cache la poussière sous le tapis ». Cette problématique pose en fait la question fondamentale de la confiance des acteurs dans la méthodologie d’évaluation externe mise en place et l’exploitation de ses résultats, condition majeure d’une autoévaluation sincère. Une autre condition de l’efficacité de l’autoévaluation est que le processus et ses conclusions soient partagés par les acteurs de l’entité pour qu’il y ait une prise de conscience collective des marges de progrès identifiées (cf prochain article).

Une autoévaluation bien maitrisée peut enfin permettre à l’entité d’envisager d’organiser elle-même son évaluation externe. L’entité pilote alors les deux processus qui restent dissociés, l’autoévaluation étant toujours nécessaire contrairement à ce que l’on peut parfois entendre d’une évaluation externe organisée par l’entité qui se substituerait à l’autoévaluation. C’est alors un autre horizon qui s’ouvre permettant à l’entité de faire de l’évaluation externe un processus adapté à ses spécificités et totalement intégré à sa gouvernance.

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