Brève 15 : Rapport « universités et territoires » : des convergences avec les problématiques de l’assurance qualité

Dans un rapport récent, la Cour des comptes a abordé la question de la relation entre les universités et leur territoire d’implantation et, plus largement, la problématique d’aménagement du territoire en matière d’enseignement supérieur et de recherche. Cette brève aborde quelques éléments de ce rapport en lien avec l’évaluation et l’assurance qualité.

Le modèle des universités et les évolutions de la contractualisation

La Cour des comptes considère que « des fractures évidentes apparaissent entre des établissements partageant la dénomination « d’université, mais qui n’ont plus rien de comparable les uns avec les autres ». Cette hétérogénéité porte, selon la Cour, sur le niveau et l’ampleur des activités de recherche, sur les différences de statuts induites par l’autonomisation et l’apparition des établissements expérimentaux et sur les différences de niveaux de financement liées au plan campus et aux investissements d’avenir. A partir de cette analyse, « la Cour a envisagé trois options afin d’assurer un meilleur pilotage d’établissements qui n’accueillent plus les mêmes profils d’étudiants, n’assurent plus les mêmes missions et ne bénéficient plus des mêmes financements » :

  • « l’option du statut quo n’est pas satisfaisante »
  • « une catégorisation des établissements fondée sur des critères objectifs, qui permettrait de corriger les écarts et d’effectuer un pilotage par grandes missions ». « Cette deuxième voie présenterait toutefois le risque d’une importante complexité de gestion et, pour cette raison, ne paraît pas plus satisfaisante que la précédente ».
  • «un dialogue individualisé sur la base de contrats d’objectifs et de moyens négociés selon un cadre national ». «Cette solution présente l’avantage de pouvoir s’adapter aux spécificités de chaque établissement ».

En accord avec les réactions à ce rapport de France Université et du Hcéres, il y a certes une dimension territoriale propre à chaque université, mais ce terme territorial est ambiguë et peut se révéler réducteur. Chaque université, si modeste soit elle, a une dimension nationale par son statut et présente des aires variables d’intervention et d’influence avec, dans tous les cas, des dimensions nationales, voire internationales pour certains secteurs d’activité. Par ailleurs, le rapport de la Cour des comptes donne encore une fois une image très administrée des universités, ne mettant pas suffisamment en avant leur autonomie et responsabilité.

La Cour privilégie la piste d’une meilleure prise en compte des spécificités de chaque université dans la contractualisation, plutôt qu’une catégorisation des universités portant le risque d’un système complexe et stigmatisant. Cette approche rejoint les propositions de ce blog pour une évaluation focalisée sur les dynamiques propres à chaque établissement plutôt qu’une approche normalisatrice. On peut noter que le Hcéres, dans son communiqué de presse, déclare vouloir « à l’avenir apprécier explicitement le degré de maitrise par les établissements de leur autonomie » au risque d’une certaine contradiction avec d’autres déclarations et intentions affichées, à dimensions plus normalisatrices. Une clarification dans les procédures et les actes du Hcéres serait utile pour concrétiser et valider les discours….

France Université et le Hcéres, dans leurs communiqués respectifs, signalent le peu de place consacrée à l’évaluation. On peut effectivement regretter, une fois de plus, que l’évaluation soit revendiquée essentiellement comme un outil de mesure de la performance et de l’attribution de moyens via la contractualisation avec l’Etat. C’est encore une occasion manquée de promouvoir une évaluation et, plus largement, une assurance qualité qui ne soient pas appréhendées dans une approche réductrice axée sur la mesure de la performance et la régulation des moyens. Quand sortirons-nous de cette focalisation pour nous intéresser enfin à l’amélioration du fonctionnement et du pilotage des universités et pour revendiquer l’évaluation comme un levier de progression de leur management et de la qualité de leurs résultats ?

 

La question des antennes universitaires

Le rapport aborde la question des antennes universitaires et formule une recommandation pour « reconnaître les antennes universitaires en proposant une définition officielle et instituer des dispositifs d’évaluation, notamment de connaissance des coûts et ressources, afin de mieux appréhender la dimension territoriale dans le calcul de la subvention pour charges de service public (MESR) ».

Le sujet est complexe. Les antennes jouent un rôle incontestable dans l’accès à l’enseignement supérieur pour des zones éloignées des grandes métropoles universitaires, avec souvent des taux de réussite bonifiés en première année et des conditions d’accueil et d’accompagnement des étudiants facilitant la transition lycée-université. Dans le même temps, le déploiement des dispositifs d’accompagnement et des outils pédagogiques des universités dans ces antennes est souvent difficile et il est fréquent de constater des modalités de fonctionnement très spécifiques en lien avec les moyens disponibles au niveau des antennes. C’est notamment le cas en matière d’assurance qualité car les dimensions de masse critique et de mutualisation des démarches sont limitées dans le contexte des antennes. Il peut y avoir une interrogation sur un autre modèle qui consisterait, plutôt que de développer des antennes, à mettre en place des aides et accompagnements renforcés pour les étudiants issus de ces territoires pour leur permettre d’accéder pleinement aux universités dans des conditions matérielles satisfaisantes.

L’évaluation institutionnelle actuelle laisse peu de place à une analyse approfondie des antennes universitaires du fait des contraintes de mise en œuvre du processus. Il y a très certainement un sujet à ce niveau qui mériterait d’être exploré par le Hcéres. Afin de ne pas alourdir inutilement les vagues d’évaluation, il est sans doute préférable d’envisager une procédure allégée et une approche par sondage, limitée à quelques antennes.

 

Conclusion

La tonalité du rapport de la Cour des comptes sur les modèles d’université et leurs antennes et sur leurs relations avec les territoires confirme globalement une vision centralisée et normée de notre système d’enseignement supérieur et de recherche.  Même si certaines recommandations proposent une meilleure prise en compte des spécificités de chaque établissement, nous sommes encore loin d’une révolution intégrant pleinement l’autonomie et la responsabilité des universités.  L’assurance qualité n’est toujours pas perçue comme un enjeu de l’autonomie et du développement des établissements et l’évaluation est toujours réduite à une fonction de régulation. Les réactions à ce rapport ne vont malheureusement pas dans ce sens ;  encore une occasion ratée de porter une vision renouvelée du pilotage et de la place de nos universités…

 

Une réponse à “Brève 15 : Rapport « universités et territoires » : des convergences avec les problématiques de l’assurance qualité”

  1. Entièrement d’accord avec ceci: « Il peut y avoir une interrogation sur un autre modèle qui consisterait, plutôt que de développer des antennes, à mettre en place des aides et accompagnements renforcés pour les étudiants issus de ces territoires pour leur permettre d’accéder pleinement aux universités dans des conditions matérielles satisfaisantes. »
    Favorisons la mobilité de nos jeunes plutôt que de les « cocooner » chez papa/maman. Luttons contre les inégalités de destin : à l’époque d’ERASMUS organisons cette mobilité à travers des bourses et des cités universitaires avec des maisons départementales, jeunes doivent sortir du rythme lycée.

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